Mon témoignage d’accouchement libre et conscient

06/02/2022


Sophie Dumoutet

sophie dumoutet famille enfants

J’ai longtemps hésité à vous fournir mon témoignage, mes enfants sont grands, 22, 17 et 11 ans, et puis en relisant d’autres témoignages, j’ai pensé que c’était comme si j’avais accouché hier et qu’en posant ma pierre ici, et bien j’aiderai aussi d’autres mamans à se sentir fortes et confiantes, à trouver la force d’affirmer leurs préférences et leur propre choix

En posant un regard distancié sur ces accouchements et en regardant le résultat et l’impact que cela a eu sur ma vie et sur l’éducation que j’ai donnée à mes enfants aujourd’hui devenus grands et bien portants et heureux, je vous donnerai encore plus envie de vivre cette aventure pour le futur de vos petits! Mais entendons nous bien, je ne fais pas la publicité de l’accouchement à domicile mais du choix du lieu d’accouchement et de la façon d’accoucher pour la mère quel qu’il soit, maison, maison de naissance, maternité, péri pas péri…. Faite selon votre préférence et votre histoire sans avoir à être jugée pour cela…

Voilà voilà , mon coming out en quelque sorte de AAD car j’en parle rarement sans soulever des regards convenus! Même dans ma pratique, je n’ose pas en parler même si de plus en plus de femmes souhaitent un accouchement physiologique, je peux le constater depuis 15 ans que j’exerce et je m’en réjouis!

Voilà l’histoire de ce 2ème accouchement, un 11octobre 2003, il y a 18 ans…Au commencement

Au commencement était… un voyage dans le désert, à l’aube de la conception de notre bébé : pas programmé ni prévu, mais très certainement désiré, ce bébé, s’est nourri pendant 9 mois , de soleil (l’été caniculaire de 2003), de ballades, d’eau des rivières des Cévennes, des musiques magnifiques et combatives du film « Gladiator » car je traversais alors des épreuves personnelles et professionnelles difficiles. Tout cela pour dire que rien n’est jamais tout rose dans une grossesse, mais que cela n’empêche pas au bébé de bien se développer pour peu qu’on ne reste pas impuissant face à l’adversité.

J’ai décidé d’accoucher à la maison pour cette 2ème aventure.. Pourquoi ? Comme pour beaucoup, l’histoire d’un premier accouchement, l’inhumanité, la froideur, un personnel à la fois prisonnier et complice d’un système hyper-médicalisé, un corps qui m’échappe et que je vois, impuissante, se faire manipuler et diriger contre lui-même, contre moi-même, mais aussi une fragilité personnelle ou peut être une force, que j’assume et la certitude, que moi, Sophie, je me sens vraiment plus en sécurité chez moi, plus libre, en pleine possession de mes moyens, moi qui aime tant danser et improviser, sentir mon corps bouger. Je ne m’appesantirais pas sur cette première expérience difficile mais révélatrice, car de ces moments, je veux garder le meilleur, Tanguy, notre fils, posé sur mon ventre, qui gémit doucement de ce long parcours d’embûches, un moment indicible de bonheur, et j’en pleure encore, et la certitude que déjà, c’est le plus beau bébé du monde : le massage indien m’aidera, nous aidera à sortir de cela au fil des semaines qui suivront sa naissance. Oui, le meilleur, un petit garçon merveilleux, d’une vivacité et une tonicité incroyable, un regard sur tout ce qui l’entoure, comme si tout cela ne l’avait jamais atteint !

Voici donc, le récit de mon 2ème accouchement, une journée incroyable

La veille 10 octobre, une sorte d’excitation intense, je ris, je me fâche, je plaisante soudainement, comme si les sentiments s’échappaient d’un trop plein. La nuit me donnera raison, des tiraillements intenses, toutes les ½ heures environ, je me tords le cou à regarder le réveil : j’ai tellement eu de contractions durant cette grossesse que j’ai peur de me tromper, mais là, ça continue, pas régulièrement mais je dois m’étirer à chaque fois pour diminuer la douleur. Je vais finalement prendre un bain pour me détendre. J’ai en fait perdu le bouchon muqueux, je ne me trompais pas. Mon homme dort tranquillement, Je vais voir mon ainé qui dort lui aussi. Je savoure ces quelques instants où je suis encore seule à savoir….Mon grand se lève enfin et réclame son biberon que je prépare comme si de rien n’était et je lui annonce qu’il ira probablement voir ses parrains aujourd’hui car le bébé va arriver… Il est tout content car il va voir son meilleur copain….Je téléphone à la SF, je lui décris mes sensations et elle me dit que je peux prendre un petit déjeuner comme j’aime… quelle joie… On convient de se recontacter en fin de matinée…. Est-ce vraiment en route…. ??? tout semble si paisible et normal.. Mon homme s’est levé, un peu hagard, un peu étonné, n’ayant rien deviné….La matinée se passe à écouter mon corps, cela continue tranquillement… des contractions régulières, toutes les 20mn environ… je ne sais pas trop en fait car je ne regarde pas l’horloge et appelle la SF pour savoir si je peux manger…. Car j’ai faim, très faim…. Mais oui, bien sûr que je peux manger, un plat entier de riz blanc assaisonné comme j’aime, le bonheur.

Début d’après midi, je fais comprendre au papa qu’il est temps d’accompagner notre grand… chez ses parrains, celui-ci est tout excité d’aller les rejoindre et moi j’attends d’être seule car sa présence m’oppresse et je sais que je ne peux plus du tout m’occuper de lui à cet instant T. J’ai pourtant envie de les accompagner mais les contractions me font prendre des postures vraiment bizarre et dans la rue ça ferait mauvais effet…. J’embrasse notre fils unique pour la dernière fois car la famille va s’agrandir…. J’ai la larme à l’œil.

La SF me téléphone ; elle arrive avec son matériel, ce n’était pas prévu si tôt mais je la soupçonne d’un 6ème sens très aigu, Je suis soulagée de la savoir près de moi. Les contractions se font de plus en plus aigues, toutes les 10 mn environ, mais je garde de ces moments un parfum de tranquillité, entre chaque contraction, je vaque à mes occupations, je marche, je discute et je plaisante même avec mon mari qui est en train de nettoyer 2 baignoires (on ne sait jamais)…. histoire de s’occuper et je ris en même temps que mes contractions….On écoute le cœur du bébé, tout va bien, de toute façon il bouge tout le temps…. Et mon col, où en est il ? J’ai tellement peur de m’apercevoir que je ne suis qu’à 1 cm de dilatation…4-5 youpi !le travail est bien entamé…et là tout s’organise tout d’un coup : on pose une alèse et un gros drap de coton sur le matelas canapé du salon. Je tente de m’étirer de plus en plus sur un petit tabouret. Chaque contraction interrompt la conversation… ..

sophie dumoutet bébé

Et puis on bascule vers le silence, enfin pas tout à fait, on se tait et on écoute en cœur Boubacar Traoré que j’adore, je me plonge dans sa voix envoûtante et sa guitare, ses complaintes douces et profondes… Le bébé se porte comme un charme au monito…. Il réagit même au froid du gel sur mon ventre et même à la main de son papa…On essaie des massages mais finalement la seule chose qui m’aide, c’est les bras de mon homme qui m’étire à chaque contraction car je n’ai plus de force dans mes bras pour me soulager… Je respire profondément, tout le travail du yoga remonte à la surface sans que je décide quoique ce soit, merci Bernadette de Gasquet, ma prof vénérée, le hasard voudra qu’elle et ma SF se rencontre aujourd’hui même et qu’elle soit au courant de mon accouchement imminent…De petits gémissements s’échappent maintenant et ressemblent bizarrement à de petits gémissements de … plaisir… Alors je me laisse aller dans les bras de mon homme et repose ma tête sur ses bras à chaque intermède comme droguée… 4mn dit mon gardien du temps, moi, j’ai perdu toute notion de cette mesure… Quand je pense qu’il doutait de sa présence pour mon accouchement, effrayé par cette aventure hors du commun… Comme le dira la SF, il s’est laissé apprivoisé et fil du travail, embauché un peu malgré lui sur ce chemin incroyable…Je sens un peu de liquide s’échapper de moi. Là, je viens me poser à 4 pattes sur le matelas, un gros coussin devant moi après avoir enfilé une tenue plus légère. La SF s’est aussi changée, et mon homme s’installe devant moi et je m’agrippe à son bras à chaque vague au point qu’il pense que je vais lui arracher à chaque contraction… et bien sûr je perd les eaux pour de bon…. La douleur devient intense, me submergeant totalement, je ne sais plus où j’en suis, ni où je suis, ni qui je suis tant il me semble me dédoubler. Chaque contraction semble me labourer et me retourner. Je parle, supplie, appelle dieu, appelle à l’aide quelqu’un, n’importe qui. Que ça fait mal, Oh que oui et tout d’un coup, cette sensation, mon dos qui se tord, je ne sais plus dans quel sens : mon bassin qui s’ouvre, je sens le bébé qui descend tout d’un coup et mon ventre qui se serre violemment. Et Là, le doute, il ne passera jamais « je n’y arriverai jamais », un mot de la SF, ma fée bienveillante « mais Sophie, c’est très bien ce que tu fais avec ton bébé » Mon homme me caresse les cheveux tout doucement lors d’un intermède. J’ai la tête posée sur un coussin, comme dans un coma et pourtant je suis très consciente de tout ce qui se passe et même des mouvements de mon bébé dans mon ventre qui me fait signe que tout va bien !!!

En 3 ou 4 contractions, le bébé est sur le périnée, je pousse avec un gémissement rauque, je lui dis qu’il faut sortir maintenant. Une force incommensurable me submerge et sur une dernière poussée, je sens la tête qui passe au milieu d’un cercle de feu, au milieu de mon corps qui s’est ouvert pour lui laisser passage, puis les épaules.

Je dis que ça y est, que le bébé est là, mon homme ne sait pas, il voit encore moins que moi alors que la SF est aux premières loges…Oui, le bébé est sorti, je le sens bouger entre mes mollets, sensation étrange… De petits gémissements tout doux indique qu’il respire sans problème que tout va bien pour lui. J’exulte, je me sens puissante au-delà de toute limite (can you ear me row). J’attends encore un peu avant de le voir, je savoure ces derniers instants à ne pas savoir encore à quoi il ressemble tout en le sachant sorti d’affaire…. Je m’écarte doucement, il est attaché encore à moi par le cordon, je le regarde délicatement, je ne veux pas lui faire mal. Mais c’est une fille…. J’ai voulu attendre ce moment pour savoir, encore une surprise…. Son papa savait mais il a gardé le secret alors que tout le monde me prédisait un garçon à cause de mon ventre en pointe… Comme j’aime cette petite fille qui déjoue tous les pronostics… C’est bien la fille de sa mère…. Et je dis combien elle est belle, combien elle est magnifique, puis je m’écarte sur le côté et la prends enfin sur mon ventre.

La SF nous couvre de draps et d’attentions. Nous regardons l’heure, 20h précises, la nuit est tombée et Roxane « aurore lumineuse » en perse, vient de s’éveiller à la vie aérienne. Il y a des bougies et une lumière douce installées par le papa. La SF s’occupe du placenta qu’elle sort sans avoir coupé le cordon. Cela s’affaire autour de moi, mais moi, je ne fais plus rien, je savoure ces instants incroyables avec un petit bébé accroché à mon sein et qui regarde étonnée, tranquille autour d’elle. Mon mari admire avec moi cemiracle, la sf vérifie que tout va bien, oui, tout va bien, le bébé est toute rose, toute épanouie. Oui, c’est vrai qu’elle est belle me dit la SF… J’entends le papa téléphoner à nos 2 familles et prononcer le prénom de notre fille pour la première fois.…. Nous buvons une coupe de champagne préparée par le papa et que je bois à la paille…Les sanglots, les émotions me submergent et je ne cesse de regarder ce nouvel être, sa perfection, sa douceur, son odeur, jusqu’à sa coiffure tellement parfaite comme un smoking de James Bond alors qu’il viendrait de faire de la plongée. Ses cheveux fins et blonds recouvrent son crâne dans un mouvement spirale d’une incroyable régularité comme si elle s’était coiffée méticuleusement avant sa sortie !Finalement, nous regagnons notre lit après une toilette sommaire, le bain du bébé on a oublié, on ne veut pas s’en défaire tout de suite, la SF s’en ira discrètement sur la pointe de pieds après avoir vérifié que tout allait bien! Je ne vais pas cesser, durant toute la nuit de humer la tête de notre bébé, de la respirer dans un geste presque animal. Elle s’endormira vers 2h du matin et ne se réveillera que 7h plus tard ! .

Nous, je crois qu’on a pas trop dormi cette nuit là, ébahis de tant d’émotions, de ce petit être auquel je viens de donner naissance, accompagnée de mon homme, d’une vraie sage femme, de quelques anges gardiens, de mes rêves, de mon histoire, de mon savoir conscient, inconscient, archaïque, avec la certitude que cet évènement, bien loin d’être épuisant, m’a donné une force et une confiance inépuisable. Je pense à ceux qui m’ont fait confiance dans ce choix controversé en France, à ma mère et mon père qui étaient au courant et m‘ont soutenue et laissée libre de mon chemin….

Ce récit est le mien, loin d’être exhaustif et juste dans la chronologie mais vrai dans les émotions. Et si j’ai commencé le récit par un voyage dans le désert, ce n’est pas pour rien. Mon accouchement a ressemblé étrangement à une marche dans le désert, on se demande où est la fin, quand est ce qu’on arrivera au camp, car les paysages ses succèdent sans repères (sauf pour celui qui conduit la méharée) le doute nous submerge alors, savoir si on y arrivera et quand… la notion du temps et d’espace étant totalement dissolue. La nuit tombe et seule une petite lumière au loin nous indique que le campement est là…. Mais le guide est là qui connait le chemin et finalement on rejoint les tentes, tout fiers d’y être arrivé…